Fuyant la guerre qui éclate en Europe, Stravinsky s’embarque pour New York. Nommé titulaire de l’illustre chaire de poétique de l’université d’Harvard (occupée entre autres par T.S. Elliot), le compositeur va y donner une série de 6 conférences regroupées sous le titre de Poétique musicale et dans lesquelles il développe ses idées sur la création musicale.

A la lecture de ces textes, nous avons immédiatement pensé au théâtre. Lui-même compositeur, Pascal Holtzer a été impressionné par la manière de Stravinsky de penser la musique en philosophe, de la juger en polémiste et surtout, par le constat qu’un musicien pouvait disputer aux philosophes et aux littérateurs, la maîtrise et le privilège de l’art poétique.

Chroniques de ma vie, puis Souvenirs et commentaires vinrent compléter le premier recueil pour nous fournir une matière théâtrale extrêmement riche, ainsi qu’une solide fondation pour un travail de théâtre musical. Passionné depuis toujours par la musique de Stravinsky, Pascal Holtzer franchit vite le pas d’imaginer un spectacle de théâtral musical reflétant la pensée et l’art de celui qui disait « la musique n’exprime qu’elle même ».

Nous nous sommes longuement débattu avec cette phrase, ce qu’elle implique, les questions qu’elle pose ; le moment était venu de confronter ces questions à la musique et à la pensée rigoureuse de Stravinsky, de provoquer le débat entre d’une part ses œuvres musicales et celles de compositeurs qu’il a influencé ; et d’autre part sa pensée, composée de vérités dérangeantes, spéculation, contradictions et profonde conviction.

Les phrases cinglantes de Stravinsky, ainsi que ses vitupérations contre les snobs, les critiques, les pompiers d’avant-garde et ceux qu’il appelait les aristarques ne sont pas sans rappeler un autre compositeur rigoureux et virulent, Frank Zappa, qui découvrit le Sacre du Printemps à l’âge de quinze ans. Cette révélation qui devint rapidement référence lui fit dire : « Achetez tout ce que vous pouvez trouver d’Igor Stravinsky et dansez dessus. »

Donnez-moi votre violon est forme spectaculaire de théâtre musical qui, tout en rendant hommage au compositeur, s’ouvre sur une question essentielle : qu’est-ce que la création ?